14 avril 2024
Pourquoi marquoir, pourquoi si tard - 2
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Alors pourquoi marquoir, pourquoi si tard ?
Partons de cette constatation :
La plupart des marquoirs, quel que soit le pays,
sont faits dans le cadre scolaire.
Notons aussi que généralement les marquoirs sont plus nombreux,
plus anciens, et plus beaux dans les pays protestants.
Elias Porzelius- Allemagne
L’enseignement, la religion,
plus une petite pincée de lois somptuaires,
là est peut-être l’explication.
Les idées réformistes ont très vite mis en avant l’importance de l’instruction
et pour cela on va créer des écoles pour que tout le monde,
y compris les filles, puisse lire les textes sacrés.
En Angleterre, pays tellement riche en samplers magnifiques,
on va avoir plus vite et plus tôt qu’en France beaucoup d’écoles.
Et qui dit beaucoup d’école, dit …. concurrence entre les écoles !
Et oui, elles étaient payantes ces écoles le plus souvent,
et si elles ne l’étaient pas, s’il s’agissait d’institutions charitables,
il fallait avoir de généreux donateurs.
Alors il fallait se distinguer aux yeux des parents et des donateurs,
avoir les meilleurs professeurs, les meilleurs résultats.
Et quelle meilleure pub que de montrer combien les élèves
qui sortent de l’école sont cultivées
(enfin …. pas trop trop trop non plus, ce sont des filles quand même),
mais aussi talentueuses, regardez comme elles jouent bien du piano,
admirez leurs jolis paysages aquarellés,
et bien sûr regardez les magnifiques samplers qu’elles ont brodés.
Des samplers aux motifs et points riches et variés,
mais aussi des samplers qui montraient combien elles étaient instruites,
des samplers avec des pages d’histoire, des cartes géographiques,
des opérations mathématiques, etc
Et en France ?
Et bien la France était catholique, et il faut bien le dire,
l’instruction n’était pas une priorité, encore moins pour les filles.
Au XVII et XVIII l’enseignement est quasiment exclusivement religieux,
et le grand souci de l’église n’était pas d’instruire les enfants,
mais de contrer les idées réformistes.
On a donc - Très peu de filles scolarisées, - qui ont une instruction essentiellement religieuse, - et des religieuses enseignantes sans grande qualification. C'était religion, religion, religion ! Prière et sermons ! + quelques bases de lecture quand même. On ne va pas apprendre la géographie, les mathématiques, etc, ou alors très peu . Une femme n’a pas besoin de savoir tout ça pour être une bonne épouse et une bonne mère 😋 Par contre, vu qu’il ne fallait pas leur apprendre trop de choses aux gamines, fallait bien les occuper un peu quand même, alors on leur faisait faire moult travaux d’aiguilles. Mais attention, des travaux d’aiguilles utiles et nécessaires, la couture essentiellement. Et la broderie ? Grand Dieu non ! Enfin si, savoir tracer des lettres pour marquer le linge qu’on a cousu, ça oui …. Mais pas plus ! Plus… ce serait trop, on tomberait vite dans la frivolité, le luxe, voire même, l’interdit ! Pourquoi interdit ? Depuis François Ier, tous les rois ont fait la chasse aux riches étoffes, aux dentelles, aux broderies, car la noblesse adorait se parer des vêtements les plus luxueux et des dentelles les plus chères. On dépensait des fortunes, et même on se ruinait pour cela, on disait que certains « portaient leurs moulins et leurs forêts sur leurs épaules ».
Et en plus comme ils achetaient tout ça à l'étranger, les rois faisaient la grimace. 😠 Ils ont donc pondu plein de lois sur le sujet, dites « lois somptuaires » qui détaillaient ce que chacun pouvait porter ou pas, en fonction de son rang social, et bien sûr plus on était au bas de l’échelle, moins on pouvait porter de fioritures. Si ces lois visaient les nobles à l’origine, elles n’eurent guère d’effet sur eux. Bien sûr le peuple n’avait jamais pu s’acheter de beaux vêtement brodés, mais du coup, il ne pouvait même pas se les fabriquer. Les somptueux costumes brodés bretons par exemple sont bien faits et portés par le peuple mais ils datent du XIXème seulement, quand ces lois ont complètement disparu, un peu comme pour nos marquoirs. Alors bien sûr il y a eu la révolution qui aurait dû libéré tout ça. Mais non, au contraire, pour un révolutionnaire, broderie = noblesse = guillotine J’exagère un p’tit peu .... quoiqu’ils ont bien guillotiné des brodeuses. 😱 Bref, dans ce contexte, à quoi bon apprendre à broder, à quoi bon faire des exercices avec des points compliqués, et des modèles très décoratifs. On se contentait de point de marque utile, et surtout « Point d’ouvrage exquis et d’un trop grand dessin » On brodait juste ... des Marquoirs. Résultat ? Au XVIIème quand en Angleterre on brodait ça,
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En France on brodait le Notre Père
Quand au XVIIIème siècle en Angleterre on brodait ça
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En France, on remerciait sa tante
de vous avoir permis de rentrer au couvent
Et quand les bonnes sœurs se lâchaient !
quand elles faisaient broder des motifs
C’était des petits motifs pas vraiment identifiables,
ou avec une symbolique religieuse,
comme ça on pouvait pas être soupçonné
de céder à la frivolité .
(livre Abécédaires brodés de Catherine Pouchelon)
En regardant cet ouvrage de 1745, écrit en français,
avec un nom français
On pourrait se dire « ah ben là, ça ressemble à kekchose ! »
Oui mais non, c’est pas français ça !
Le style, les motifs, c’est 100% british
Brodé par une petite française peut-être …. mais en Angleterre !
Voilà …. J’ai tendance à croire à ces explications
lues à différents endroits,
mais j’ai encore pas mal d’interrogations.
Because des lois somptuaires par exemple,
il y en a aussi eu en Angleterre.
Et si la très catholique Italie a aussi des marquoirs
très simples et tardifs comme en France,
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pourquoi la catholique Espagne a-t-elle brodé
très tôt de telles merveilles ?
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Avec une influence arabe assurément
Hélas, nos marquoirs d’Europe du sud sont si peu documentés,
on a tant de chose encore à apprendre, à comprendre
ça promet d'être passionnant !😀
Si vous avez eu le courage d'aller jusqu'au bout de cette article,
et pour vous souhaiter un bonne semaine,
voici une délicieuse gravure flamande du XVIIème :
Après-midi broderie pour la Vierge Marie et ses copines.
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